GOOD LORD (Oh Lord ! Tome 3) Laure Elisac, tous droits réservés Extrait 20

Dimanche 3 Septembre 2017


Le feuilleton de l'été est en ligne !
Tous les dimanches et tous les jeudi, suivez les aventures de GOOD LORD (Oh Lord ! Tome 3) avant sa parution.

L'extrait arrive un peu tard dans la journée, mais avec la rentrée et les allers et retour en train entre Lyon et Hauteville, mon emploi du temps est un peu compliqué. Je n'ai d'ailleurs pas passé autant de temps que j'aurais voulu pour cette couverture éphémère, mais j'espère la retoucher un peu un de ces jours... on peut toujours rêver ;-)

Extrait 20


Design Laure Elisac


Samedi 11 juin, Crescent Lane, Lambeth, Clapham Commum, Londres 




Lorsqu’ils débarquèrent dans le jardin, le groupe était installé autour de la table. Eve fit le tour afin d’embrasser les convives tandis que Gerry s’installait le plus loin possible de Matt. Tout le monde se comportait comme si l’article n’existait pas et que Gerry n’était pas l’enculé qui avait prévenu les journalistes, sauf Matt, qui tirait la gueule, par principe. Eve savait maintenant que ça ne durerait pas, car dans une dizaine de jours, il sera forcé de faire ami-ami avec son dealer s’il souhaitait qu’Irina continue à escalader sa bougie. 
– J’ai l’impression qu’il y a des siècles que je ne t’ai pas vue en robe, souffla Gerry en la plaquant contre lui.
Au moment de s’assoir il l’avait tirée sur ses genoux. Elle pressa ses fesses contre son entrejambe. Aussitôt, il agrippa ses hanches et chuchota dans son oreille :
– Oh oui ! Madame circule sans culotte à une réunion de famille ! Vilaine friponne, tu veux ma mort ?
En quelques secondes, ses genoux s’étaient transformés en piste à bosse. Elle se leva pour aider au service et lui offrir une vue imprenable sur le haut de ses cuisses, appétissantes comme un plat descendu de l’Olympe. Il y a des lustres, Dante avait peint un tableau intitulé « Le supplice de Tantale », un mec condamné par les Dieux à éprouver éternellement la faim et la soif sans jamais réussir à se sustenter. Elle comptait lui infliger à peu près la même chose, mais avec son cul. Arrivée à l’assiette de l’acteur, elle la chargea en frites et esquiva les haricots verts. Gras et alcool, avait déclaré son père, elle tenait sa vengeance. Elle intercepta la bouteille de vin et lui en versa un verre comme de la limonade. Il protesta.  
– C’est du Bordeaux, ça ne se refuse pas.
– Mais je conduis…
Elle saisit trois frites et les écrasa dans sa bouche.
– Alors, mange, ça épongera l’alcool. J’adore ces frites, continua-t-elle en lui fourrant d’autres pommes de terre dans la bouche. C’est la spécialité de Crispin, elles sont faites maison. Combien de temps as-tu passé à cuisiner tout ça ? demanda-t-elle à l’intéressé.
– Entre l’épluchage et la coupe, une heure, mais Léon m’a aidé.
– Ah, tu vois, dit-elle en préparant une nouvelle fournée, ce serait irrespectueux de les bouder.
– Je croyais que Gerry se mettait au régime avant de commencer une pièce, fit remarquer Matt, narquois.
– C’est l’anniversaire de Léon, plaida Nicola, vous parlerez régime demain !
– Nico a raison, acquiesça Eve, en profitant de l’occasion pour remplir à nouveau le verre de Gerry. Goûte ! Avec les rognons, c’est délicieux.
Gerry la repoussa, mais elle insista, portant le verre à ses lèvres.
– Allez, laisse ce pauvre homme tranquille, dit Matt, il prend le volant, ne le force pas à boire.  
– Il y a quelques heures, tu rêvais de faire rissoler ses burnes avec les rognons et maintenant tu te soucies de son taux d’alcool dans le sang ?
– Ma mère, intervint Irina, disait : « on attrape les hommes par le sexe et on les garde par l’estomac. »
– Moi, je préfère qu’on m’attrape et qu’on me garde par le sexe, répondit Gerry. Pour ce qui est de l’estomac, j’ai ma voisine qui cuisine à la perfection.
– Deux femmes pour toi, quel appétit !
Bon sang, ça ne lui suffisait pas d’effeuiller les pâquerettes avec Matt, Irina flirtait avec Gerry ! Tout être humain doté d’ovaires flirtait avec Gerry, consciemment ou inconsciemment, à l’exception de Nicola, qui depuis toujours était immunisée contre le charme du bellâtre. Eve écouta distraitement Gerry renvoyer la balle à Irina. La peintre russe avait tondu la pelouse, monté les bordures avec les planches et manié la perceuse pour accrocher la guirlande de Junzo, autant dire qu’elle soignait ses galons de chouchoute du Huis Clos. Le bras de la jeune femme frôlait par intermittence celui de son père. Leur idylle était récente si elle éprouvait encore le besoin de se frotter à lui en dehors de la chambre à coucher. Dans peu de temps, elle aura principalement envie de lui planter sa fourchette dans les parties molles.
Irina se leva pour exhiber une cicatrice, au niveau de sa taille et raconta qu’il s’agissait d’un coup de couteau. Matt devrait vraiment envisager de protéger ses parties molles. Au lieu de cela, ce dernier surenchérit en dévoilant une cicatrice à la pliure de son coude. S’ils poursuivaient leur tour de la table, ces idiots allaient atteindre Léon et sa jambe amputée !
– Et vous, qu’est-ce qu’il arrive à votre nez ? demanda Irina à Gerry avec son accent chantant.
Ouf, pensa Eve, avec Gerry, Léon est sauvé, on en a pour la soirée.  
– L’histoire du pif de Gerry ? répondit Matt à sa place, on la connaît par cœur ! Il zonait avec son frère Roger quand il avait… quel âge avais-tu ? Seize, dix-sept ans ?
– Quinze.
– Notre Gerry était un adepte de la castagne dans sa jeunesse.
– Ah ! s’exclama Irina. Incroyable ce truc des garçons pour la bagarre. En Russie, c’est pareil !
– En réalité, c’est la version que je présente à la presse.
– C’est nouveau, marmonna Eve en jouant avec ses haricots, parce qu’il lui était difficile de manger avec l’odeur des abats dans les narines.
– Tu veux dire, nota Matt, que les dix armoires à glace n’étaient que deux et qu’ils sortaient de l’école primaire plutôt que des Marines ?
– Je veux dire qu’il n’y a jamais eu de baston et que c’était moi qui sortais de primaire.
Matt avait perdu la bataille de l’attention, l’assemblée était suspendue aux lèvres de Gerry.
– J’ai inventé ce scénario dans mes premières interviews pour me donner un style bad boy, et après, j’ai laissé la légende se construire. En réalité, dans la famille Penhall, c’était mon frère Roger le bagarreur, mais moi, j’étais le mariole au fond de la classe.
– Attends, protesta Matt, toutes ces anecdotes dont tu te vantais, sur les règlements de comptes, c’était du pipo ?
– Pour la plupart. Ne tirez pas ces tronches, à l’époque, j’ai brodé avec les journalistes par rapport à ce qu’ils désiraient entendre. Personne ne se souciait de la vérité.
– Ça n’a pas changé, souligna Léon. Et ton nez ? Il a bien été cassé ?
L’acteur effleura l’arête estropiée et soupira.
– Oh, ça… Mon instituteur m’avait pris en grippe. Je le comprends, à neuf ans j’étais une tête à claques, sans cesse dans la provocation. Je restais en retenue après les cours et il m’enfermait sous l’estrade, ou m’obligeait à m’agenouiller sur une règle. Vous vous souvenez, les règles en bois carrées ?
Crispin et Léon opinèrent du chef en même temps.
– Un soir, je ne sais plus ce que je lui ai sorti, il a perdu son sang-froid et a frappé ma tête contre le tableau. J’étais à genoux, mon crâne a cogné contre la margelle des craies. Je me suis évanoui sous le coup de la douleur.
Un silence consterné accueillit ses paroles. Le cœur d’Eve remonta dans sa gorge, et cette fois ce n’était pas à cause de la nourriture.
– Mon dieu, murmura Nicola, j’en entends des histoires au boulot, mais là…
– Il aurait pu te tuer, dit Léon, si un os était rentré dans ton cerveau…
– Ah ben en tous les cas, après cette aventure, il ne m’a plus jamais touché ! Et moi, de mon côté, j’ai fini de l’emmerder.
– Quoi ? Parce qu’il a gardé son poste ? s’offusqua Nicola, il n’a pas été sanctionné ?
Gerry secoua la tête et recommença à caresser son nez à l’endroit aplati par le coup. L’arête cassée ajoutait à son charme. 
– Personne ne l’a jamais appris, j’ai fermé ma gueule. Quand je suis rentré, j’ai raconté à mes parents que je m’étais viandé en vélo. Roger a soupçonné l’entourloupe, parce que quand on se ramasse en bécane en général, ce sont les poignets et les genoux qui trinquent.
Un silence gêné s’instaura, en raison de l’accident de vélo qui avait coûté une jambe à Léon. Il s’en rendit compte et s’empressa de préciser :
– Genre des graviers incrustés sous la peau, ou des éraflures sur les avant-bras, des conneries de gosse.
– Mais c’est injuste, insista Eve, il s’agit de maltraitance sur un enfant !
Gerry rit.
– Ah non, je t’assure que je le méritais, j’étais une peste, le cauchemar des instits. Mais je plombe l’ambiance. Vous comprenez mieux pourquoi je ne sers pas cette version aux journalistes ! Désolé de pourrir ta fête, Léon.
Eve ressentit une envie soudaine de se trouver seule avec Gerry. Merde ! Songea-t-elle. Ce salaud m’a menti, il a abusé de ma crédulité, il a ruiné mon vagin en gobant des substances à la con, et je ne n’ai qu’une hâte, c’est le cajoler comme sa mère aurait dû le faire à l’époque.
Ce bandit méritait de recevoir un énorme coup de pied au cul, sauf que la vie s'en était déjà chargée !


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